Au moment de faire appel à un graphiste pour soutenir la création ou le développement de leur activité, les moins rompus à l’exercice se contentent parfois de multiplier les demandes de devis à l’aveugle. Paradoxalement, cette démarche hasardeuse n’est pas toujours le reflet d’une réelle préoccupation financière. Le plus souvent, elle trahit avant tout un évident manque de repères et de critères de sélection. La simple approche budgétaire atteint rapidement ses limites et comporte de nombreux pièges à éviter.
Le premier écueil est sans doute celui de se sentir rapidement perdu face à l’éventail extrêmement large des propositions tarifaires obtenues. Comment différencier des offres dont le coût peut dans certains cas extrêmes varier de 1 à 10 ? Ces écarts ne font que confirmer un a priori tenace : le coût de ce type de prestation serait simplement estimé à la tête du client. Dans un tel imbroglio quasi cornélien, le choix final qui semble le plus rationnel consistera donc à se rabattre sur le moins-disant, sans prêter attention à des paramètres pourtant bien plus essentiels. Avec en prime la grisante satisfaction de réaliser une bonne affaire. Après tout, moins on mise, moins on prend de risques. Et pourtant, Fox Mulder pourrait vous le confirmer : la vérité est ailleurs.
Mon conseil sera finalement assez simple. Concentrez-vous plutôt sur un nombre réduit de prestataires que vous aurez préalablement retenus, en ayant par exemple apprécié certaines de leurs réalisations précédentes. Privilégiez les rencontres directes afin de leur présenter votre projet ou échangez avec eux par téléphone en cas de collaboration à distance.
Lorsque votre budget est serré, ce qui est courant en phase de création d’activité, évoquez la question de façon simple et directe. Toute réalisation vise à concilier un ensemble de contraintes à gérer habilement. Nombre de pages, volume de textes, fonctionnalités indispensables sur un site internet, etc. Votre budget sera un facteur de plus à intégrer à l’équation. Si vous avez bien choisi votre prestataire, celui-ci vous proposera des solutions adaptées en conséquence. Bien entendu, nous parlons ici de budget limité et non pas inexistant… Il vous appartiendra ensuite d’opter pour une solution qui renverra peut-être à plus tard certaines de vos ambitions initiales, mais qui devra avant tout préserver votre objectif de départ : faire connaître et mettre en valeur votre activité de façon pertinente et cohérente. En d’autres termes, n’hésitez pas à contenir la dimension de votre projet (en limitant par exemple le nombre de pages de votre site internet ou de votre plaquette), mais restez toujours vigilant sur son aspect qualitatif.
À ce stade, vous devriez être en mesure de choisir votre prestataire pour la qualité que vous avez perçue de son travail, pour les échanges que vous aurez eus avec lui, pour sa compréhension de vos enjeux, pour les premières suggestions qu’il aura su vous proposer.
Face aux propositions qui vous seront faites, vous aurez peut-être l’occasion d’être surpris par le coût de telle ou telle étape de réalisation. Dans ce cas, n’hésitez pas à poser des questions à votre interlocuteur qui sera sans doute heureux de vous expliquer plus en détail en quoi consiste son métier. Normalement, ses réponses devraient vous éclairer sur la prestation que vous achetez réellement. En effet, l’expérience montre que certaines phases de travail sont incroyablement sous-estimées par certains. Votre prestataire vous expliquera alors en quoi la conception d’un logo n’est pas simplement une affaire de 10 minutes, ou pourquoi la réalisation d’un site internet ne se résume pas à “quelques clics”. À l’inverse, s’il commence à jargonner, à tenter de vous perdre ou de noyer le poisson à coups de termes techniques, vous comprendrez qu’il y a anguille sous roche et que, de toutes façons, vous aurez du mal à dialoguer avec lui par la suite. Mais dans la plupart des cas, vous devriez obtenir des réponses simples et claires. Ce qui vaut toujours mieux que de partir sur des malentendus.
Attention à ne pas vous focaliser uniquement sur les coûts importants. Les montants dérisoires doivent vous alerter tout autant voire davantage ! Ils sont généralement le signe d’étapes non maîtrisées voire négligées. À vrai dire, les “arnaques” tant redoutées par certains sont le plus souvent à chercher du côté des tarifs trop bas pour être honnêtes… Un travail de qualité demande du temps, il a donc un coût.
Si, à l’issue de ce processus, votre choix final se porte malgré tout sur une offre low-cost qui vous promet un site internet à 500 euros et un logo à 100, alors demandez-vous simplement si vous croyez réellement en votre propre projet. Avez-vous vraiment envie de le voir décoller, durer et progresser ?
Évitez de vous mettre en tête de dénicher le prestataire qui aurait… déjà réalisé votre projet ! Ça peut sembler une évidence et pourtant vous seriez surpris par le nombre de personnes ayant pris contact avec moi dans l’espoir d’obtenir une simple déclinaison d’un logo ou d’un site que j’avais pu concevoir auparavant.
N’oubliez pas que les travaux précédents d’un graphiste sont le fruit d’autres collaborations et de situations différentes de la vôtre. Refaire ce qui a déjà été fait ailleurs vous condamnerait systématiquement à un regrettable manque d’originalité et de pertinence. Bien sûr, il n’est pas question de réinventer la roue à chaque fois. Mais par définition, un travail en graphisme ou en communication a pour but de coller au mieux à des besoins spécifiques. Les cartes se doivent d’être un minimum rebattues à chaque fois. Faute de quoi on aura non seulement manqué son but, mais on se sera aussi terriblement ennuyé.
Pour les mêmes raisons, chercher à tout prix à dénicher le “spécialiste” de votre secteur d’activité est un exemple très répandu… de fausse bonne idée ! Les spécialistes auto-proclamés de telle ou telle niche ne le sont que pour des motivations purement marketing. Imaginez un peu le quotidien d’un designer qui enchaînerait à longueur d’année les sites et logotypes d’hôtels ou de restaurateurs. Vous comprendrez aisément pourquoi ces prestataires tombent très vite dans une banale répétition sans qualité ni réflexion. Au contraire, soyez curieux. En consultant les travaux d’un prestataire potentiel, ne vous contentez pas d’observer ce qu’il a réalisé précédemment “dans votre secteur”. Concentrez-vous plutôt sur les solutions qu’il a pu apporter à des demandes venant d’horizons variés. Ce qui vous permettra d’espérer par la suite une réponse réellement adaptée à votre cas précis. Un peu plus intéressant que de finir avec le même site que vos concurrents, non ?
S’il est une chose que beaucoup ont du mal à dévoiler, c’est bien le budget qu’ils sont en mesure de consacrer à leur projet. La terrible angoisse du “combien ça va me coûter ?”, mais aussi le secret espoir du miracle, font entrer certains dans une véritable partie de poker.
Communiquer votre budget représente en réalité deux avantages majeurs.
D’une part cela vous fera gagner du temps. Inutile de multiplier les rendez-vous si votre budget n’est pas en adéquation avec le travail que vous demandez. Si vous espérez doter votre entreprise de supports de communication performants sans pour autant envisager d’y consacrer plus d’une poignée d’euros, chaque rendez-vous constituera une perte de temps pour vous comme pour votre interlocuteur.
Ensuite, et surtout, annoncer votre budget permet à votre prestataire de dimensionner correctement sa proposition et les solutions qu’il pourra vous proposer, et ce dès le départ. Un peu à l’image d’une recherche immobilière, la prise en compte de votre budget sera déterminante dans le choix des options à privilégier. Car bien entendu, un budget de 2 000 euros n’aboutira pas au même résultat qu’un projet bénéficiant d’une enveloppe dix fois supérieure ! Autant se concentrer d’emblée sur la démarche la plus adaptée à votre contexte.
En résumé : dans les faits, ne pas estimer ni communiquer de fourchette budgétaire revient à vous tirer une balle dans le pied. Tout ce que vous risquez d’y gagner est un devis et/ou une réalisation complètement en dehors des clous par rapport à votre volonté de départ.
Le temps des excès et autres budgets pharaoniques du monde de la communication est bien révolu. Conséquence directe : si faire appel à des professionnels de la communication est aujourd’hui devenu accessible à tous, la marge de manœuvre pour une éventuelle négociation tarifaire a disparu dans le même temps. Les devis que vous obtiendrez seront par conséquent calculés au plus juste, en lien direct avec le volume de travail requis par votre projet.
Quoiqu’il en soit, même si vous avez des oursins dans les poches, évitez à tout prix d’utiliser les stratégies suivantes, aussi agressives qu’inutiles :
Présenter d’emblée votre projet comme “simple” ou chercher à le minimiser. La plupart du temps, cela signifie seulement que vous avez décidé que celui-ci ne vous coûterait presque rien. Or, comme nous l’avons vu ailleurs, on a souvent tendance à sous-estimer les compétences et le travail d’autrui. En l’occurrence, c’est au professionnel que vous avez en face de vous d’envisager le degré de complexité de votre besoin et donc le coût que cela implique. Ne faites pas comme cette personne qui souhaitait connaître le tarif de création d’un “petit” logo. Mauvaise nouvelle : par définition, les petits logos n’existent pas.
Décider vous-même de ce que devrait être le coût d’une prestation, surtout quand il ne s’agit pas de votre domaine de prédilection. Comme ce jour où mon interlocutrice, dans une tentative maladroite de négociation, a cru bon d’établir elle-même le tarif de ma prestation, démonstration à l’appui. Selon elle, le coût de création du logotype dédié à son entreprise ne devrait pas dépasser un montant de 300 euros grand maximum. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’avec ce tarif, il me suffisait de réaliser “3 logos chaque matin et 3 dans l’après-midi” pour gagner très confortablement ma vie, et en prime sans trop me fatiguer. Bon sang, mais c’est bien sûr ! À vrai dire, la création d’un logotype est le résultat d’un processus infiniment plus long que ça. Phase de recherches, présentation au client des pistes les plus pertinentes, sélection, finalisation du projet retenu, définition des codes couleurs… Nous sommes à des années-lumière de l’optimisme manifesté par notre amie d’un jour.
Vous montrer insultant vis-à-vis du travail d’une personne a priori vouée à vous accompagner dans la réussite de votre projet n’est pas non plus une bonne idée. Après avoir accordé deux heures de rendez-vous à une cliente potentielle, très agréable au demeurant, je l’entends soudain se lancer dans une comparaison entre mes tarifs de création et ceux des gabarits de Vistaprint… Une fois encore : si quelque chose vous surprend, posez des questions, essayez d’en savoir plus et de comprendre. Ça sera sûrement plus constructif !
Une autre erreur classique est celle d’avoir déjà “tout préparé”. Après tout, cela fait des mois que vous songez à votre projet, vous avez scrupuleusement étudié les sites de vos concurrents, vous êtes bien placé pour savoir ce que vous voulez. Vous avez déjà en tête l’arborescence de votre futur site et une idée assez précise du logo qu’il vous faut. Il devra représenter une fleur et être violet.
Ici, tout est question de dosage. Car dans tous les cas, un bon prestataire vous demandera effectivement de vous positionner sur un certain nombre de points, il vous poussera à exprimer ce que vous avez en tête, mais aussi ce que vous refuseriez catégoriquement. Si vous avez entamé votre réflexion en amont, votre projet pourra souvent avancer plus vite dès le départ.
Revers de la médaille : le risque est aussi très grand de vous voir rester un peu trop accroché à votre a priori initial. Ce qui a non seulement pour effet de brider la réflexion de votre prestataire et de passer à côté de ce qu’il aurait pu vous apporter, mais aurait également tendance à vous conduire à refuser toute proposition un peu trop novatrice pour vous. Enfin, dites-vous qu’un prestataire cantonné à la simple exécution de vos consignes s’enlisera rapidement dans un manque d’implication certain.
En d’autres termes : réfléchissez, oui, mais pas trop longtemps ! La majeure partie du travail gagnera toujours à se faire dans la concertation. L’idée est d’ouvrir des portes, pas de les fermer. Sinon, à quoi bon faire appel à un professionnel ?
Faire appel à un graphiste peut être le début d’une grande aventure. Comme pour tout prestataire indépendant, la nature des rapports que vous entretiendrez avec lui sera déterminante. Bien souvent, il sera pour vous un interlocuteur précieux à de nombreux moments-clés de votre développement. Lorsqu’il s’agira de concevoir votre logo. Puis votre enseigne. Vos cartes de visite. Les menus de votre restaurant. Votre plaquette. Votre site internet. Vous trouver une solution d’impression. Lorsqu’il faudra corriger en urgence une coquille un dimanche après-midi ou envoyer votre newsletter à vos abonnés. Les occasions de compter sur lui seront nombreuses. Nous sommes loin d’une relation uniquement commerciale.
Sachez aussi qu’à l’instar de toute relation humaine digne de ce nom, cette confiance devra être réciproque. Autrement dit : votre graphiste attendra aussi un certain nombre de choses de votre part. Vous voilà tout à coup avec une sacrée pression ! Pas de panique, la plupart de ces attentes relèvent du simple bon sens. Lorsqu’il vous enverra les dernières avancées de ses travaux par email, il espérera un retour de votre part (si possible avant 6 mois) qui aille un peu plus loin que le simple “J’aime bien” ou “Je n’aime pas”. Il appréciera que vous teniez compte de certains de ses conseils et de quelques-unes des contraintes techniques de son métier. L’idée n’étant pas de “lui faire plaisir”, mais plus concrètement de fluidifier les processus de travail en cours, tout en assurant un suivi qualitatif de votre communication sur le long terme.
Si au contraire vous êtes plutôt habitué à donner des ordres, connaissez des difficultés à être à l’écoute des suggestions de votre entourage, bref, si vous cherchez une relation plus contractuelle que collaborative, évitez les prestataires indépendants.
Avant même la réalisation à proprement parler de vos supports de communication (depuis votre carte de visite jusqu’à votre vitrine en ligne), votre prestataire aura à vous accompagner dans une tâche rude et difficile : la prise de recul.
Chaque entreprise, quelle que soit sa taille, a ses petites habitudes. Elle connaît bien sûr ses produits, ses tarifs, son offre, mais aussi ses clients. Elle a son propre jargon, ses termes techniques. Elle connaît par cœur ses plaquettes et les contenus de son site internet. Elle sait comment communiquent ses concurrents et elle fait… sensiblement la même chose. Il s’agit là d’un mécanisme aussi naturel que compréhensible.
L’intérêt pour vous de faire appel à un prestataire extérieur sera donc également de bénéficier d’un regard neuf, qu’il est quasiment impossible d’avoir en interne.
Alors que certains s’obstinent à ne vouloir faire appel qu’aux soi-disant spécialistes d’un secteur déterminé, la petite boussole de mon expérience indiquerait plutôt la direction inverse. Intervenir sur la communication d’un secteur dont j’ignore beaucoup, voire tout, me pousse par définition à poser de nombreuses questions à mon client. Avant de “communiquer”, il va bien falloir commencer par “comprendre”. Et je crois que c’est là que ma position sera en l’occurrence un vrai atout pour la suite. Cette étape aidera notamment à faire la part des choses entre les vieux discours dénués de sens mais répétés depuis des années par simple réflexe (au sein de l’entreprise mais parfois aussi de tout un secteur d’activité !) et ce qui au contraire gagnerait à être davantage explicite dans le cadre d’une démarche de communication. Ce qui va obliger à faire quelque peu bouger les lignes par rapport aux habitudes ancrées, aussi bien chez certains dirigeants que parmi leurs équipes commerciales. Mais aussi tout simplement chez un entrepreneur individuel dont la passion constitue autant un moteur qu’un manque de distance dans la manière de présenter ses services.
Bien entendu, ce processus ne peut se faire seul côté prestataire. Dans l’idéal, il vous demandera à vous aussi implication et volonté d’ouverture. Voilà entre autres pourquoi la qualité d’une démarche de communication est loin de ne dépendre que de votre prestataire. Vous avez également un rôle actif à jouer dans cette aventure !